Qu’ils s’appellent Khalifa, Karim, Idy ou Macky…

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«Kou sa woudj di selem, doo sét» (proverbe wolof)

Lorsque Macky dit que Khalifa est «Sall», il est difficile de le croire, lui qui dispose d’un «patri-manne» qu’aucun travail régulier ne justifie. Ni les fonctions nominatives qu’il a occupées tour à tour au sein de l’appareil d’Etat sous Wade. Encore moins ses biens personnels pour une personne aux origines modestes et dont les revenus, très modestes, étaient connus et reconnus de tous. Mais lorsque l’inspection générale d’Etat (Ige) fouille la gestion de la Ville de Dakar et décèle des manquements notoires qui frisent le détournement de deniers publics, on s’empresse de crier au loup, de jeter le bébé avec l’eau du bain froid pris par un «Khalife» et ses «talibés» dans un océan des milliards du contribuable gérés dans la nébuleuse.

Sans nul doute. Le système tel qu’il est conçu, permet aux plus hautes autorités de ce pays de s’enrichir sans le moindre soupçon, parfois au vu et au su de tout le monde. L’admettre pour les uns et le refuser aux autres, relève d’un non-sens. Faudrait-il reconnaître qu’il y a, dans cette affaire, un acharnement politique qui ne dit pas son nom, et une tentative de chantage comme relayé dans une certaine presse, ce qui n’enlève en rien la solidité des faits imputés à Khalifa Sall et Cie. Et c’est de bonne guerre lorsque les tenants du pouvoir, des maladresses de leurs adversaires, profitent, pour les mettre au carreau. Faudrait-il toutefois regretter le caractère répréhensible du traitement de cette affaire conduite de manière cavalière, conjuguée aux aveux d’un chef de l’Etat de mettre le coude sous certains dossiers émanant des organes de contrôle de l’Etat, dont le travail remarquable et crédible, est ici instrumentalisé, détourné à des fins de règlement de comptes politiques.

Savoir raison garder. Et éviter de sombrer dans un simplisme qui fausse les termes du débat politique et pose en victimes les responsables épinglés, qui, en tout état de cause devront répondre de leurs actes.

Qu’ils s’appellent Khalifa, Wade, Karim, Idy ou Macky, pèsent sur chacun d’eux, malgré les dénégations répétées, des soupçons d’abus, d’enrichissement illicite qui persisteront aussi longtemps que le système restera en l’état. Car n’importe quel Sénégalais, à leur place, agirait de la même manière quelles que soient sa foi et ses convictions.

En décidant de réactiver la Cour de répression de l’enrichissement illicite en 2012, on avait la conviction que le président Macky Sall souhaitait en finir avec un système dont lui-même aura profité. Qu’il avait sans doute conscience des impacts négatifs d’un tel système sur les efforts consentis par le contribuable. Mais la politisation des différents dossiers, qui n’impliquent que des opposants, donne l’impression que tout est fait à dessein pour que le système de prédation des deniers publics actuel, serve et continue de servir les proches du pouvoir, alors que dans le même temps, l’exigence de transparence est rayée de leur vocabulaire.

Khalifa est moins à blâmer dans une certaine mesure, mais plus le système nébuleux en place, qui lui permet de piocher dans une caisse que ni la loi ni la morale n’autorisent. Quid des justifications avancées? L’absence ou le peu de transparence dans la gestion des milliards du contribuable, a le mérite d’encourager, si l’on ose le terme, l’enrichissement à des fins personnelles. Enrichissement illicite ! Karim Wade, en son temps, avait défié l’opinion de prouver la moindre preuve des accusations portées contre lui. Ici, les preuves foisonnent. L’usage de faux pour décaisser autant de fonds, à lui seul, est répréhensible. Réprouvé par la morale, banni par la religion et passible de plusieurs années d’emprisonnement, à défaut d’un remboursement exigé.

Si le placement sous mandat de dépôt du maire de Dakar a tout l’air d’une détention arbitraire, il cache mal la forêt sinueuse de prédation des deniers publics orchestrée, depuis des décennies, par nos gouvernants, dont certains disposent d’un quitus à piller, et d’autres, non.

Ici, il ne pourrait s’agir, d’un point de vue simpliste, d’invalider la «caisse noire» de Khalifa Sall et de reconnaître la «légalité» des «caisses blanchies» des autres, comprenez, ces dizaines de milliards de fonds politiques dont disposent à la fois le président de l’Assemblée nationale, le président du Haut conseil des collectivités territoriales, ou encore le président de la République, Macky Sall.

Légaliser les fonds précités est une manière de légaliser le vol, de délivrer un quitus pour la prédation des deniers publics et de cautionner, enfin, une pratique qui fait le lit de la corruption des élites avec la complicité d’un système mafieux qu’aucun de nos gouvernants, d’hier à aujourd’hui ne s’aventurerait remettre en question.

Au-delà de l’affaire Khalifa Sall, c’est tout le système qui il faut remettre à plat. Le même système qui permet au président de la République de disposer d’une caisse noire légale que lui autorise donc la loi, lui et les personnes de son choix à savoir le président de l’Assemblée nationale et le président du Hcct.

Mais se limiter à cet aspect sur la légalité ou non de la caisse noire des uns et des autres, c’est faire fausse route, c’est admettre et valider une pratique qui a la dent dure, une nébuleuse admise de tous et légalisée avec le temps.

Dans un souci d’équité et de justice sociale, il eût été judicieux d’exiger d’abord le remboursement de ces fonds, avant d’envisager l’emprisonnement d’un adversaire politique qui adopte ici une posture victimaire, profitant d’une maladresse de l’Etat pour crier à la cabale. Le faux dont la mairie de Dakar a usé pour faire sortir près de deux milliards de FCfa, disqualifie d’office un responsable politique de la trempe de Khalifa Sall de tout exercice de responsabilité actuel et futur, à quelque niveau  que ce soit.

Enfin, reconnaître le détournement de deniers publics, un délit, si établi devant un tribunal dans ce cas précis, revient à poser la question de l’enrichissement personnel, de l’enrichissement illicite. Et dans le contexte actuel, demander la libération de Khalifa Sall relèverait de l’impunité et de la validation de pratiques délictuelles. Ce qu’il faut plutôt exiger, c’est la traduction devant la justice de toutes les personnes qui sont épinglées par les rapports de l’Ige . Les Sénégalais n’en attendent pas moins d’un chef de l’Etat qui avait promis de ne protéger personne. Pas même les siens.

Momar Mbaye

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