Le Pr Samba Traoré sur les décisions du Président concernant le foncier

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Il m’a été donné de lire quelque part que le Président de la République n’a pas le droit de suspendre toutes les opérations sur le littoral et ailleurs au Sénégal. Je ne conteste pas, à condition de donner des arguments juridiques convaincants pour justifier cette assertion. Or à ma connaissance, et tout en avouant que je n’ai peut être pas lu toutes les journaux ou autres supports qui ont donné l’information. Ce qui est patent, c’est que les problèmes du foncier au Sénégal datent déjà du 19è siècle, sous la colonisation. Mais ce qu’il faut avouer, c’est que la prédation foncière dans notre pays a pris une ampleur inquiétante depuis ces dernières années. On l’observe depuis les années 90, mais ce qui était considéré comme de simples chapardages fonciers s’est transformé en banditisme de haut vol par les régimes qui ont suivi Abdou Diouf . Là où sous Wade on a trempé les pieds et les jambes, le régime qui vient de partir a carrément plongé. J’en sais énormément, étant dans le foncier depuis une quarantaine d’années, au Sénégal et ailleurs. On a assisté à la naissance de véritables lycaons et des doryphores du foncier, et à la fin de vrais dragons de commodo des terres du Sénégal. On capture la terre, on la dépèce, on la déchire, on la partage et on l’engloutit. Depuis une quarantaine d’années on avertit sur ce qui devait arriver et qui arrive aujourd’hui. On ne mesure pas encore l’ampleur de la question foncière, aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural. Voilà pourquoi toutes les tentatives de réformes foncières engagées par les différents régimes ont lamentablement échoué, faute de volonté politique de les mettre en œuvre, également à cause des lobbys de toutes sortes et de tous horizons. Il va être très difficiles de corriger 60 années d’errement et de prédation, sans une volonté très forte.
La terre est assaillie par plusieurs facteurs, plusieurs goulots d’étranglement : législatifs et règlementaires, politiques, administratifs, financiers, coutumiers , religieux et j’en passe. L’observateur de la question foncière au Sénégal est tous les jours ahuri de de voir sous ses yeux ce qui se passe. Ce qui se passe sur le littoral et ailleurs, connu, n’est qu’un épiphénomène. Le jour où le Sénégal mettra le doigt sur la réalité foncière de ce pays, je pense que même un tsunami ou un volcan ne suffiraient pas à calmer la situation.
Et pourtant, des universitaires et le CRAFS ont déployé beaucoup d’efforts et d’énergie sur le foncier , en vain. D’autres organismes ont fait les mêmes efforts et des plaidoyers, en vain. on n’écoute pas au Sénégal. On a préféré se complaire dans les violations, détournements et contournements des textes pour mettre le foncier en coupe réglée.

Mais revenons au littoral, qui est soumis à la domanialité publique. J’ai dit plus haut que des juristes, et non des moindres se sont prononcés sur la question selon laquelle le Président de la République n’a pas le droit de suspendre les opérations foncières. Mais que si, car le Président a pris une mesure conservatoire seulement en vue d’y voir plus clair. Et c’est son droit, car il ne s’agit pas d’annulation de propriété et de titres fonciers. La propriété est garantie et protégée par la constitution, et son annulation obéit à des critères et des procédures bien définis. La question maintenant est de savoir si ces propriétés titres ont été acquis selon les lois et règlements en vigueur en la matière. Il s’agit bien du littoral donc du domaine public maritime, qui obéissent aux règles précises de la domanialité publique de la loi 76.66. Mais on peut aller plus loin : est ce que ces propriétés privées sur le littoral dakarois ont été acquises à l’issue d’un déclassement, qui obéit à son tour à une règlementation et des procédures précises. Je suis sûr que non. Il faudra démêler tout cela et ce n’est pas un petit boulot. Même les déclassements doivent se faire au compte goute, parce que la destination du domaine public du littoral est précise : des installation d’intérêt public et général : tels de hôtels, réceptifs hôteliers, usines et autres, des installations légères et démontables à tout moment.
Les problèmes du domaine public du littoral sont plus anciens que ce qui se passe en ce moment, à Ngor, Ouakam, Yoff, mais surtout les Almadies terre de prédilection des hordes de fauves du foncier. L’administration coloniale a tenté de régler ce problème de l’occupation du littoral, de Dakar à Ouidah. Je connais parfaitement cette question, parce que la leçon d’admission au concours d’agrégation en 1991 a porté précisément sur ” LE DOMAINE PUBLIC DE 1848 A NOS JOURS”. La question n’était de de parler du régime juridique, de la constance et autres du domaine public, mais plutôt ceux posés par le domaine public. Il y en avait et un arrêt de 1923 de la Cour d’Appel de Bordeaux avait décidé le déguerpissement de toutes les installations, y compris les villages traditionnel que l’on connait, pour respecter le principe des pas géométriques. A bon droit, mais le réalisme politique a fait que l’Administration a refusé d’appliquer cet arrêt, ce qui a laissé en place Yoff, Ouakam, tous les villages du littoral jusqu’à Ouidah au Dahomey. Mais le droit a été dit et bien dit. Il y a deux ans, une étudiante béninoise, Madame Novilé, a soutenu une thèse en droit sous ma direction devant l’Université d’Abomey Calavi sur ” Les nouvelles tendances de la domanialité publique au Benin, Togo, Cote d’Ivoire et au Sénégal” Toutes les questions qui nous préoccupent en ce moment pour le littoral on été abordées et bien analysées.
Pour résumer, il faut régler ce problème du littoral pour mettre à nu toutes ces pratiques malsaines sur les terres du Sénégal. Le littoral est important, car les titres fonciers sont la plupart douteux, illégaux et relèvent d’une mafia politico administrative dont les acteurs sont connus et ont parfois pignon sur rue. Régler en même temps le foncier rural qui est de loin le plus agressé. Portant, la SAED depuis plus de 30 ans a tellement ouvré pour clarifier le foncier rural pour l’agriculture, l’élevage etc., tout cela dort quelque part. La SAED avait entrepris des études et des formations sur les différences et limites des Domaines National et Domaine l’Etat, en direction des paysans et des collectivités locales qui ont été outillés avec les outils de gestion foncière tels que le POAS, la Charte du Domaine irrigué et autre. Il faut que cette excellente initiative soit dépoussiérée pour nous permettre d’avoir un système foncier valable. En 1964, le Domaine National représentait 98% des terres du Sénégal, mais aujourd’hui, il en reste combien? Je ne suis pas statisticien, mais je suis convaincu qu’il n’en reste pas plus de 49%. La faute à qui? A l’Etat du Sénégal qui a presque tout distribué en violation des lois. Il est le premier prédateur de notre foncier.
La prochaine, je reviendrai sur les autres villes, telles que Saint-Louis et le monde rural, les projets qui pullulent et leur politique dispersée.

Pr Samba Traoré UGB

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