Enquête de personnalité: Le Rapport Décharge Hissène Habré

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Hissène Habré est une personne «tenace» et «impitoyable» devant ses ennemis. Mais en revanche, l’ancien Président Tchadien est aussi décrit comme un homme «pieux, ambitieux et loyal en amitié». C’est ce qui ressort de l’enquête de personnalité difficilement effectuée sur une période de trois mois par la psychologue Yattara Gassama Diop dont le rapport de 12 pages présenté hier, jeudi 10 septembre, au tribunal contribue à lever le voile sur la vraie identité de l’ancien homme fort de Ndjamena. Hissène Habré n’est pas un homme cruel, comme on a certainement voulu le faire croire.

Il est plutôt un homme affable, pieux, ambitieux et très loyal en amitié. C’est ce qui ressort du rapport sur l’enquête de sa personnalité présentée hier, jeudi 10 septembre, à la barre des Chambres Africaines extraordinaires au tribunal de Dakar. Après avoir juré de ne dire que la vérité et rien que la vérité, sans haine, la psychologue Mme Diop Yattara Gassama a tenu à préciser que «cette enquête de personnalité a été effectuée avec de grandes difficultés» liées au refus de collaboration du prévenu qui ne les a pas donnés l’opportunité de s’entretenir avec eux. «Pendant trois mois, nous n’avons pu parler à M. Habré, encore moins le voir. C’était la plus grande difficulté lors de cette enquête de personnalité. Les membres de sa famille ayant refusé de collaborer, nous avons contacté d’autres ressortissants Tchadiens. Nous avons néanmoins pu parler à un de ses neveux et son épouse, à des étudiants et des réfugiés Tchadiens», a signalé Mme Diop Yattara Gassama qui a signalé qu’elle a effectué ladite enquête en collaboration avec Mamadou Ndiaye Sow absent du territoire.  Dans ce rapport de 12 pages divisé en quatre parties selon la psychologue, il est relaté l’histoire et le parcours de l’homme, sa situation actuelle, ses ressources matérielles et familiales ainsi que sa santé. «Pour Habré, la loyauté en amitié est fondamentale. C’est pourquoi il a nommé plusieurs de ses amis à des postes de responsabilité», renseigne Mme Diop qui révèle encore la ténacité de l’ancien Président Tchadien. TENACE, IMPLACABLE ET PIEUX «Il est jugé tenace et implacable devant ses ennemis. Il est ambitieux et a une grande confiance en lui-même». Le Président Hissène Habré est de nature très calme et très réservé. Ce calme plat cache une passion pour la lecture, la promenade et l’empathie pour ses compagnons. «Il aime la lecture, la promenade et la visite de ses compagnons. Selon le directeur de la prison, Hissène Habré avait toujours refusé de recevoir des visites à la prison, à l’exception de ses épouses et de ses proches. C’est un homme pieux qui a toujours son chapelet par devers lui et un exemplaire du Coran», nous apprend-elle. UN MENEUR D’HOMMES Dans ledit rapport, Hissène Habré est décrit par ses amis comme «un meneur d’hommes». Devenu sous-préfet à l’âge de 19 ans, Hissène Habré va rejoindre en 1971 la rébellion au Tibesti en collaboration avec Goukouni Wedeye dont il accepta d’être le vice-président. Après plusieurs années de lutte, la rébellion sera finalement soutenue en 1975 par le guide Libyen, Colonel Muammar Khadafi. En novembre 1976, le président François Tombalbaye est tué. Les amis de Habré le désignent à cette époque comme un vrai meneur d’hommes. Il lance un appel à la reconstruction du Tchad en demandant à tous les fonctionnaires du pays de participer à l’effort de guerre pour relancer l’économie nationale. Malheureusement, la psychologue a rappelé dans son rapport que les relations de Habré avec la France s’étaient détériorées à l’issue de la conférence de La Baule. «Après la conférence de la Baule, Habré n’était plus considéré comme un ami de la France, mais il était plutôt nommé comme un dictateur par la France», nous dit-elle. UNE ENQUETE DIFFICILE MALGRE TOUT Cette enquête s’est déroulée dans des conditions extrêmement difficiles qui ont failli aboutir à l’abandon de l’exercice. «Nous avions voulu abandonner l’enquête, mais le juge d’instruction nous avait demandé de continuer en faisant avec les moyens du bord», déclare Mme Diop en réponse à la question du procureur général. Ayant reconnu ne pas avoir rencontré suffisamment de personnes pour les besoins de cette enquête de personnalité, la psychologue a signalé qu’ils ont rencontré au moins un des fils adoptifs du Président Habré qui s’est dérobé à la dernière minute pour les laisser avec son épouse. «Nous avons rencontré un de ses fils adoptifs qui avait fui avant la fin de l’entretien, préférant nous laisser avec son épouse sous prétexte qu’il avait des choses à régler. Nous avons également rencontré un de ses amis, des étudiants et des réfugiés Tchadiens», précise-t-elle.  Le parquet a tout de même félicité l’équipe qui a mené l’enquête «pour la pertinence du rapport». Il considère que ledit rapport a apporté «un bémol» à l’instruction dont certains ont jugé être «une instruction à charge». Mais ceci n’a pas empêché aux avocats de la partie civile à considérer ce rapport comme «incomplet» car les enquêteurs ne se sont pas rendus au Tchad et se sont seulement contentés d’interroger des gens appartenant à l’entourage de Habré. Il faut retenir pour autant que le rapport présenté devant la cour décharge l’ancien président Tchadien. Ce que Mme Diop Yattara Gassama a expliqué en ces termes : «L’enquête de personnalité ne doit pas se faire à charge, mais à décharge. Nous n’avons pas été sélectifs dans le choix des personnes interrogées. Pour une question de sécurité, le juge d’instruction nous avait dissuadé de nous rendre au Tchad pour effectuer l’enquête de personnalité de Hissène Habré à Ndjamena». VALSE DES TEMOINS A CHARGE : Faustin Fachio Balame et Alingue Jean Bawe malmenés par la défense S’il y a quelqu’un qui a passé un mauvais après-midi hier, jeudi 10 septembre, au tribunal de Dakar, c’est bien M. Faustin Fachio Balame désigné comme le témoin clé pour la partie civile. Dans sa confrontation avec les avocats de la défense, M. Faustin n’a vu que du feu et s’est confondu dans ses dates au point de refuser de répondre à certaines questions qui lui sont posées. C’est aussi le cas de l’administrateur civil à la retraite, Alingue Jean Bawe. Habillé en ensemble veste olive et grisâtre, tenant un sac de couleur marron à la main, le docteur vétérinaire, chef traditionnel vivant depuis 2008 comme réfugié politique en France a subi les assauts des différents avocats de la défense. Tout d’abord, c’est Me Baye Sène, un des avocats commis d’office pour Habré, qui a émis des réserves sur le témoignage qui pourrait être fait M. Balame qui tenant des feuilles à la main voulait lire à l’assistance son témoignage écrit. Ce que le président des CAE lui a refusé en le coupant net.  «Vous êtes cité comme témoin pour dire devant la cour ce que vous avez vécu», lui a-t-il rappelé. Confondu dans son témoignage, ses dates et ses différents séjours à l’étranger, M. Balame s’est contenté de dire que le président Habré n’avait pas des rapports humains avec ses ministres, si bien qu’il a reconnu être secrétaire général de l’Union nationale démocratique du Tchad (l’UNDT), une organisation politique qui disposait d’une branche armée qui a combattu les forces armées du Tchad, et qui avait fondé une alliance avec le régime Libyen de Khadafi. «Khadafi nous a fourni des armes et des hommes. Nous avons bénéficié de son soutien logistique en munitions, vivres et carburant», a-t-il signalé tout en rappelant la répression des Adjarai et des Agaoua.  Selon lui, ceci était «un nettoyage ethnique» systématiquement effectué par le président Habré qui par l’entremise de la DDS, dit-il, «savait tout ce qui se passait à l’intérieur du Tchad». Me Mounir Ballal, avocat de la défense, a relevé plusieurs incohérences dans la déposition de M. Facho. «Nous avons décelé plusieurs incohérences dans sa déposition. Aucunement, M. Facho n’a été en mesure de répondre de manière précise aux questions qui lui sont posées comme il devait le faire en sa qualité de témoin clé», a-t-il laissé entendre.  L’actuel conseiller spécial à la présidence de la République du Tchad n’a pas lui aussi échappé au purgatoire. Il est revenu sur le rôle joué par la DDS dans l’assassinat des citoyens Tchadiens, mais aussi sur l’épisode de l’exile du président Habré parti dans la nuit du 30 novembre 1990, dit-il, avec un chèque de 3 milliards FCFA du trésor Tchadien. La séance était suspendue jusqu’à aujourd’hui.

Sud Quotidien

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