L’Administration Publique, le Multipartisme et la démocratie en Afrique face aux enjeux du 21e siècle

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Communication du Directeur général de l’ENAM, Abdou Karim GUEYE, à la réunion des Directeurs d’ENA tenue à TANGER (Royaume Chérifien), 1991

J’ai lu récemment la citation suivante : « Les princes, dans leur félicité, me paraissent fort à plaindre d’être privés d’entendre la vérité et forcés d’écouter les flatteurs, non des amis » Erasme.

Je prends un risque en voulant être cet ami que les princes n’écoutent pas et explorer avec vous le thème suivant : « L’Administration Publique, le Multipartisme et la démocratie en Afrique face aux enjeux du 21e siècle ». Je dois l’avouer, j’en suis aux balbutiements de mes réflexions. Mais je suis sûr que les vôtres et vos critiques me permettront de les enrichir. A l’origine, une certitude : le système social et politique à plusieurs composantes, économique, institutionnelle, culturelle et sociale, etc. Il évolue peu ou prou, si seulement une des composantes évolue. Or, en Afrique, ce système sociopolitique s’est révélé d’une stabilité tenace, dans ses composantes politique et économique caractérisées d’une part, par une longue évolution vers la démocratie et d’autre part par la persistance du sous-développement. Mais, quel que soit le degré de stabilité du système, force est de constater que quelque chose est entrain de bouger, depuis la période 1950 à 1970 où la pensée dominante était que le développement supposait un pouvoir fort, que la démocratie comportait des risques de populisme et, qu’enfin, seul un despote éclairé pouvait imposer des réformes impopulaires, mais nécessaires au développement. Si une telle approche a engendré des progrès notables au Chili, au Brésil, en Espagne et en Asie, à l’exception de l’Asie de l’Est, à partir de 1980, les progrès enregistrés au niveau de ces pays se sont stabilisés… On commence, malgré quelques résistances intellectuelles, à admettre que la démocratie doit offrir des alternatives plus libératrices… Mes recherches visent à établir que l’approche systématique offre tout un champ d’investigation qui permet de prendre en compte les interactions entre l’économique, le social, le politique, l’ordre national et international. Traiter le sujet à la lumière de cette approche suppose, d’une part, le retour aux paradigmes de la démocratie politique et à ses limites et d’autre part, de déchiffrer  les terres encore en jachère des mutations vers le 21e siècle.

I/ Les paradigmes de la démocratie politique

L’expérience des Etats compétitifs me permet de conclure que le dirigeant, voire le manager a pour objectifs d’impulser les changements rendus nécessaires par l’évolution sociale. Le multipartisme peut être, à cet égard, son allié et un outil d’innovation et changement. Mais alors, il faut franchir une première étape : faire de la démocratie un outil de restructuration politique.

A/ La démocratie, outil de restructuration politique

Le premier objectif est donc la restructuration institutionnelle et sociale. Le multipartisme doit être, à cet effet, une opportunité pour mettre fin à la centralisation et à la hiérarchisation des institutions politiques et à l’environnement qui bloque, dans le champ social, l’esprit d’entreprise et d’initiative. L’Administration publique, dans cette perspective, doit contribuer à la promotion du droit et des institutions démocratiques.

1°/ Promotion du droit et des institutions démocratiques

  1. Quelle approche constitutionnelle : Pour Burdeau, « La constitution apporte une réponse à l’interrogation séculaire : d’où vient le pouvoir de ceux qui gouvernent, quels en sont les moyens, les conditions, les fins et les limites ». En Afrique, les soubresauts et les révoltes politiques de ces dernières années, à l’aune de la démocratie et du multipartisme, posent le problème de l’efficacité et de l’effectivité des constitutions africaines. Celles-ci n’ont pas abouti, en effet, à un système de gouvernement contrôlé effectivement par la sanction populaire, car en pratique, les constitutions africaines ont cherché, plutôt à geler les rôles politiques et la détention des pouvoirs. Dès lors, elles deviennent ainsi l’expression des inégalités entre des élites détentrices du pouvoir et entre des citoyens, en général, presque tous, en marge des mutations porteuses de changement, en direction du 21e siècle. En conséquence, l’approche constitutionnelle devrait aboutir à un certain nombre de mesures ; notamment :
  2. Un code électoral démocratique et efficace ;
  3. L’accroissement de la marge de manœuvre des citoyens et une nouvelle définition des modes de dévolution du pouvoir politique ;
  4. Un état qui instaure un système politique à visage humain ;
  5. Des dispositions constitutionnelles qui consacrent le principe de la laïcité et de la neutralité des institutions à l’égard du tribalisme, du clientélisme, des sectes, etc. (Par exemple, la constitution sénégalaise affirme clairement que l’Etat est laïque, démocratique et sociale et  interdit l’identification d’un parti politique à un sexe, une race ou une religion)
  6. Un contrôle de la constitutionnalité des lois et des règlements ainsi que la possibilité du recours pour excès de pouvoir contre les actes administratifs qui lèseraient les intérêts de citoyens ou qui auraient pour fondements les considérations claniques ou tribales…
  • Un code électoral efficace : L’existence d’un code électoral efficace et démocratique est une nécessité. Quelques pays africains se sont déjà lancés dans cette voie… Cette tendance qui s’affirme, un peu partout, en Afrique, sous la pression du multipartisme ou de l’effervescence politique, conduit plutôt à une contestation des résultats des élections et, en conséquence, à une défiance des citoyens à l’égard des élections. Cela témoigne de la nécessité d’un code électoral efficace, résultant d’un processus historique endogène. Aussi, en Afrique, un profond mouvement de réflexion doit voir le jour pour adapter les constitutions africaines aux mutations. Les mesures suivantes devraient être prises, notamment :
  • Banaliser la pratique des sondages, au niveau des champs politique, économique et social, seuls moyens de valider scientifiquement ce que pensent les citoyens et de mettre en place un système dissuasif contre les fraudes électorales ;
  • Généraliser, à moyen terme, l’outil informatique,  pour un contrôle, à temps réel des inscriptions et des votes avec une connexion au système d’Etat civil. Naturellement, le coût d’une telle opération ainsi que les dysfonctionnements de l’Etat civil, en Afrique, demeurent des obstacles à franchir.
  • La création éventuelle d’une Direction Générale des Elections, dirigée par une autorité inamovible et indépendante, dotée des moyens adéquats, notamment informatique, à l’instar de ce qui se passe au Canada…

2°/ L’affirmation de la société civile

Il n’y a pas de démocratie, sans une société civile majeure, sans un système juridique qui promeut la pluralité et la diversité. Les pays africains doivent, à cet effet, se défier de « l’unanimisme » qui tue la créativité, la réflexion et l’innovation en instituant un système social institutionnel basé sur la liberté de compètir, les droits de savoir et au savoir, le partenariat, etc. C’est seulement, ainsi, que le savoir créateur, lequel ne peut se développer que dans une société authentiquement  démocratique, pourra émerger. Plusieurs mesures dont l’objectif est d’encourager la liberté d’entreprendre, de créer et d’innover peuvent, à cet égard, être appliquées, notamment :

  • Un droit pénal apte à rendre les délits économiques plus visibles, en vue de renforcer la démocratie économique et social ;
  • La généralisation d’un droit syndical et d’un droit du travail qui permet de sauvegarder le respect de la personne humaine ; tout étant un moyen de dialogue social, en vue de promouvoir le développement économique ;
  • Des garanties, d’ordre constitutionnel, de la liberté de correspondance, de communication postale et télégraphique ainsi que du droit de propriété ;
  • Le développement, au plan juridique, d’instances de régulation, notamment l’institution d’un médiateur, autorité indépendante, chargée d’étudier les réclamations des citoyens sur le fonctionnement des institutions publiques ;
  • L’institution du pluralisme à la radio et au niveau de la télévision publique, tout en développant l’octroi de fréquences à des privés, pour offrir des choix variés, ce qui rendait sans effet toute velléité de contrôle des chaînes publiques.

Au total, la démocratie authentique, en Afrique, aura pour socle le développement d’une société civile mais aussi des stratégies de croissance économique efficaces. La démocratie politique doit alors être un moyen de promouvoir la démocratie économique…

B/  Les limites de la démocratie politique

La tendance qui s’affirme déjà en Afrique est le risque de l’effervescence électorale. Ses modalités devraient être cernées et intégrées dans toute stratégie politique tendant à asseoir la démocratie politique et économique.

1°/ Un risque : La fascination des stratégies

  1. Les pièges des stratégies électorales : Le sous-développement de l’Afrique finit par éroder les illusions d’une sortie de la crise. Aussi, l’Afrique ne doit pas avoir pour seule ambition l’affinement des stratégies électorales. Elle doit, en effet, être consciente des risques et des enjeux ultimes : être parmi les quatre ou cinq grands cœurs du monde futur qui vont émerger. Elle doit, pour y arriver, déjouer les pièges de l’effervescence sociale qui frappe à ses portes.
  2. Les pièges de l’effervescence sociale : La révolution industrielle et le processus de démocratisation, en Europe, ont eu lieu, concomitamment, dans un environnement urbanisé qui a désagrégé les liens communautaires. Par contre, en Afrique, le multipartisme qui a engendré une cohorte de micro-partis s’appuie sur les valeurs tenaces de la parenté, du tribalisme et des clans, dans un environnement, en majeur partie, rural. A l’aube de la démocratie en Afrique, et de son corollaire  le multipartisme, la fascination des citoyens pour les stratégies électorales qui s’affirment, comporte, à moyen terme, des risques de désenchantement. L’enjeu primordial est ailleurs : une culture qui pousse la majorité des citoyens à s’exprimer. A défaut, les africains découvriront vite « qu’Athènes s’accommodait de l’esclavage » et que le multipartisme comme finalité, peut créer des citoyens en marge de la véritable démocratie. Dès lors, les stratégies électorales doivent comporter des stratégies de renforcement du civisme, lesquelles sont inefficaces, lorsqu’elles ne sont mises en œuvre qu’à la veille des scrutins. A défaut, il ne reste alors comme solution que l’effervescence sociale.

2°/ L’ordre mondial face à la démocratie : Les deux dernières décennies ont eu pour caractéristiques essentielles, dans les pays du Nord, des mutations qui ont entraîné une société internationale entrepreneuriale faite d’espaces de liberté, dans les domaines économique, culturel et social. Dans l’ordre mondial futur, l’Excellence aura ainsi pour base une capacité accrue de la marge de manœuvre des citoyens. Les deux piliers, l’un d’ordre politique et l’autre, d’ordre économique, vont évoluer vers la société de créativité et d’innovation, enjeux dont l’Afrique devrait être consciente.

  1. Vers un ordre politique mondial : La sphère de l’excellence, avec la fin de la guerre  froide, se déplace vers celle de l’économie et la capacité managerielle d’une Nation.  Dès lors, s’affirme le nouveau pilier qui est d’ordre économique.              
  •  Le pilier d’ordre économique mondial : L’examen des évolutions technologiques, les nouvelles formes de gouvernance permettent d’établir que le référentiel géostratégique mondial, avec la fin de la guerre froide, se déplace vers l’économie et la capacité managerielle d’une nation. Les nouveaux piliers de l’ordre économique mondial s’affirment. Le multipartisme n’est plus une finalité, mais un moyen. La véritable démocratie repose ainsi sur une mutation culturelle qui suppose, comme celle de 1789, l’abolition des certitudes et des privilèges. Celle-ci, ramenée à l’Afrique, est plus complexe, du fait de la mondialisation de l’économie qui veut marginaliser l’Afrique. L’autre versant devient la démocratie économique, l’envers et le revers de la démocratie politique. Il n’y a pas de démocratie politique viable, sans une consolidation de la démocratie économique. Les administrations publiques africaines doivent s’y atteler.

II/ L’autre versant : Le renforcement de la démocratie économique

A/ La démocratie, outil de structuration économique

1°/ Restructuration, créativité et innovation : Le système démocratique doit être étendu à l’économique, pour être le levier de la créativité et de la flexibilité. Il s’agit ainsi d’apprendre aux pays africains l’art de se défendre contre un ordre froid. Les stratégies électorales doivent alors encourager un système où l’on est réélu ou évincé du pouvoir, en fonction des résultats économiques, sans état d’âme et sans esprit « revanchard ».

 2°/ Vers une Afrique, un des cœurs du monde : Edem Kodjo nous a déjà rappelé que le monde contemporain aboutit à un 21e siècle où « l’indicateur de puissance est la productivité, les flux financiers et monétaires et l’organisation scientifique et technique. L’Afrique doit « se préparer à jouer un rôle au sein de ces équations planétaires ». Mais, il faudra promouvoir un contexte démocratique apte à favoriser les attitudes culturelles qui permettent de relever les défis, de combler des manques et de gérer les changements, de façon dynamique, car « il n’ya pas de richesse sans créativité, ni de créativité sans richesse ». (cf. Jacques Attali – Lignes d’horizon – Collection Fayard). Mais, faudrait-il encore une gestion macro-sociale efficace.

B/ Vers une gestion macro-sociétale rénovée

L’économiste Thomas Verblen écrivait que « ce qui est essentiel en économie, ce n’est pas le système de prix, mais l’échelle de valeurs de la société où s’enracine l’économie ». Une telle assertion pourrait fort bien être valable pour la gestion publique, au moment om l’environnement international impose de nouvelles attitudes… il faut une gestion publique rénovée.

1°/ La gestion publique rénovée : Le crédo de la rénovation pourrait être la subsidiarité, l’entrepreneuriat, la technologie et les nouvelles formes de gouvernance. Il faudra alors réinventer bien des pratiques de  l’administration publique.

  1. Un nouveau crédo : La subsidiarité : La doctrine chrétienne, depuis longtemps, nous a légué le principe de la subsidiarité qui veut qu’une institution de rang supérieur ne puisse se substituer à une autre de rang inférieur…. Au niveau de la gestion publique, un tel principe induit des objectifs de gestion tels que l’accroissement de la flexibilité et le passage d’une administration de procédures à une administration de mission. Une telle option, à n’en pas douter, est ainsi une mesure de renforcement de la démocratie et elle doit conduire à privilégier l’action créatrice. L’Administration publique contemporain n’a d’autre choix que devenir entrepreneuriale.
  • Une administration publique entrepreneuriale : Dans un contexte de multipartisme, il est nécessaire de passer de la bureaucratie à une administration publique entrepreneuriale. En conséquence, l’Administration publique doit être à l’abri des contingences politiques et des dysfonctionnements de qui en résultent. Mais, seule une culture organisationnelle de performance, qui exclut l’immixtion de la politique dans la définition et l’exécution des politiques publiques (par exemple, en matière de nomination) peut aboutir, à moyen terme, à des résultats viables. N’est-il pas alors temps de reconnaître que le contexte jacobin de nos administrations publiques induit le centralisme tout en paralysant l’émergence de marges de manœuvre au niveau des collectivités locales et des individus ? Construire, dans un tel contexte, un projet social mobilisateur devient alors une gageure. Pourtant, la condition majeure de la croissance et du développement est à ce prix pour convaincre les résistances,  l’outil le plus efficient, voire le plus efficace, est la création d’un projet social mobilisateur.
  • Une administration publique, vecteur d’un projet social : Un projet social mobilisateur, en Afrique, qui crée les conditions d’une réaction plus créatrice par rapport aux autres nations est nécessaire pour assurer une modification de l’ordre économique… La démocratie rénovée, à l’aube du 21e siècle, suppose que les usagers, les citoyens et les contribuables soient reconnus comme étant les véritables « propriétaires » de la chose publique. En outre, un droit à la performance et la participation au niveau des institutions publiques, doit leur être octroyé. Au total, dans un contexte de multipartisme, la gestion de l’administration publique doit accroître le rôle du citoyen et encourager l’émergence d’une opinion publique, comme contrepoids à l’inefficacité et l’inefficience… Il devient, alors, possible de libérer les élus de la tutelle excessive et de les soumettre à la sanction des électeurs. Mais, dans un tel contexte, l’Administration publique devra assurer les besoins en formation dans les domaines de la stratégie, tout en jouant un rôle de régulation. Mais, à côté de la gestion publique subsiste  la gestion marchande et entre les deux doivent exister une synergie et la solidarité.

2°/ Une gestion du secteur marchand rénovée

  1. Le développement de la concurrence : La démocratie suppose une certaine égalité d’accès à la vie économique. Or, les monopoles économiques confèrent des avantages injustifiés, au détriment des citoyens. A contrario, la concurrence est le plus sûr moyen de promouvoir les innovations, l’excellence et la méritocratie. Le rôle l’Etat, instance de régulation des intérêts, est alors l’arbitrage et la négociation et non de prendre parti. A cet effet, il doit créer, par une réglementation appropriée, un nouveau droit de la concurrence destiné à mettre fin à certains monopoles, pour accroître  l’efficacité et induire la baisse des coûts, prouvant ainsi aux citoyens que la démocratie économique se traduit par un impact sur leur niveau de vie.

Au total, une telle option est possible, tant dans le secteur public qu’au niveau de l’économie marchande, à condition que la société civile ait le droit d’utiliser son imagination créatrice pour produire, vendre et innover.

  • Libéralisation des secteurs monopolistiques : Il est étrange que l’on privilégie, actuellement, la privatisation sans pour autant prôner la libéralisation des secteurs monopolistiques. Une telle approche est tout au plus un moyen de transférer un monopole public vers un monopole privé. Par ailleurs, il est évident, qu’à  long terme, la libéralisation des secteurs de l’électricité, du  téléphone, etc. se fera,  sous l’effet l’évolution technologique (apparition du téléphone cellulaire, etc.), rendant désuète toute stratégie monopolistique. L’Administration publique doit, d’ores et déjà, préparer la démocratie économique et son corollaire, la libéralisation des secteurs monopolistiques, pour apprendre aux africains à se défendre, sur les futurs champs de la concurrence économique entre les nations…

III/ Conclusions sur l’administration publique, le multipartisme et la démocratie

A/ Les principes de la mutation

Les contours du 21e siècle sont connus. L’Administration publique africaine dans les pays où la prospective est encore d’actualité, doit accroître la participation, la concertation et l’entrepreneuriat dans les secteurs public et privé. Elle doit se préparer à promouvoir de  nouvelles techniques et à générer une nouvelle réglementation.

1°/ Participation et concertation

Une authentique démocratie doit aider à construire une Afrique, un des cœurs du monde, car il est évident, comme le souligne Octavio Paz, que le recul du tiers monde n’a qu’une cause : « les initiatives individuelles ne sont pas suffisamment valorisée par l’Etat » La finalité de l’Etat, c’est de mettre en œuvre des politiques publiques qui ont comme finalités la société. En effet, le système politique est composé de sous-systèmes ci-après :

  • L’appareil d’Etat, ensemble d’institutions au niveau gouvernemental, législatif, administratif et judiciaire ;
  • Des forces politiques composées d’acteurs sociaux non étatiques tels que les individus, les partis, etc. qui sont le reflet des opinions et des intérêts ;
  • Des institutions de management au sommet desquels se trouvent un président, un système juridique, etc.

Une synergie entre ces sous-systèmes doit exister pour promouvoir l’Efficacité, l’Efficience et l’Economie. Dans cette perspective, l’Etat a forcément, un rôle d’arbitre et de régulation à jouer, par la participation et la consultation, face aux valeurs et aux intérêts antagonistes.

  1. La participation : La crise de l’Etat moderne est connue. Producteur de biens et services, la rareté des ressources et  la crise des finances publiques l’oblige à innover, à expérimenter et être orientée vers les nouvelles formes de gouvernance, la technologie et le management public, sous peine de disparaître… « Manager des cohérences et des synergies », il doit consulter, s’appuyer sur les groupes sociaux. La participation devient ainsi une technique de management et un outil de la démocratie.
  • La concertation : La participation a besoin d’être opératoire pour permettre à l’Etat de tisser des liens de partenariat avec les usagers, les organisations publiques, gouvernementales ou non gouvernementales. Acteur des convergences, vers un projet social mobilisateur, l’Etat doit assurer la concertation. Ceci  n’est pas possible sans une société civile structurée et organisée. L’Etat doit en créer les conditions et modalités.

2°/ Neutralité, motivation et esprit d’entreprise : Une administration publique entrepreneuriale, neutre, motivée et indépendante du pouvoir politique est la seule voie d’efficacité. Mais son développement dépendra, en grande partie, du  système de valeurs des dirigeants. En privilégiant l’Efficacité, l’Economie et l’Efficience, ils contribueront à accroître la neutralité de l’administration. Mais pour cela, ils doivent se muer en véritables managers, régis par un statut général de la fonction publique qui permet la mesure des performances et l’obligation de rendre compte…

B/ Des spécialiste de la gestion stratégique et opérationnelle

La stratégie n’est pas possible sans management. Or, au sein des administrations publiques africaines, se pose le problème de la globalité : un jeu, au niveau planétaire dont ils n’ont pas encore la possibilité d’infléchir le cours. Elles doivent donc commencer à réfléchir en termes d’enjeux planétaires. Par exemple, la redistribution des cartes géostratégiques avec l’émergence de l’Asie, une Afrique du Sud bientôt démocratique, le rapprochement imminent entre Israël et l’O.L.P, le développement des technologies, etc. imposent une autre lecture de la gestion économique. Les administrations publiques africaines doivent s’y préparer.

1°/ La réglementation d’un projet social mobilisateur : L’essoufflement de l’Etat providence devrait s’approfondir, imposant certaines réformes, grâce à une nouvelle réglementation, notamment le développement d’instances d’innovation telles les fondations privées, sous réserve d’un régime de déductions fiscales approprié, apte à encourager la participation de telles structures au financement des besoins collectifs, par exemple, en matière de santé, d’éducation, de recherche, etc. En somme, pour parler comme Alain Minc, il ne s’agit plus, à l’orée du 21e siècle, de créer une réglementation qui met la société civile et un Etat régalien, face à face, mais plutôt d’instaurer des modèles qui encouragent le développement des initiatives, au niveau de la société civile.

2°/ Vers une nouvelle gestion publique : Le contexte de rareté des ressources et la crise économique mettent fin à l’illusion que la bureaucratie est encore possible, car l’évidence est apparue que, dans les  conditions actuelles de l’économie mondiale, le coût de la gestion publique est prohibitif et contraire aux impératifs de compétitivité internationale. Par ailleurs, une démocratie d’opinion émerge, face à des citoyens, à une presse et à des partis politiques, de plus en plus organisés. L’Administration publique doit alors se moderniser, accroître sa flexibilité et l’esprit entrepreneurial. Elle en sera la gagnante, car progressivement, la fierté du service public sera retrouvée. De nouvelles prospectives seraient ainsi ouvertes, au niveau des disciplines telles la science administrative et les sciences juridiques…

Conclusions

La démocratisation, projet systémique, tout en intégrant le phénomène du multipartisme, va au-delà d’elle, pour s’étendre au champ économique, social et culturel. Condition de survie pour l’Afrique, c’est une option, pour parler comme Attali, qui permet de privilégier la durée sur l’éphémère. Et, sans doute, faudrait-il, pour cerner la totalité des enjeux se remémorer Condorcet qui écrivait : « Nos espérances sur les destinées futures des l’espace humaine peuvent se réduire à trois questions : la destruction de l’inégalité entre les nations, le progrès de l’égalité entre les peuples ; enfin, le perfectionnement réel de l’homme » L’Etat Africain et son administration publique n’ont que ces trois objectifs stratégiques à réaliser, face à l’évolution de la société internationale et au multipartisme.

Abdou Karim GUEYE, Directeur général de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature du Sénégal, 1991, Tanger (Maroc)

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