GESTION COVID-19: Le coup de colère de Diakhaté

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L’ancien président du groupe parlementaire de Benno Bokk Yakaar et ancien ministre chef de cabinet du président de la République a été l’invité du grand Oral. Sur les ondes de la 97.5 Rewmi Fm, Moustapha Diakhaté puisque, c’est de lui qu’il s’agit est revenu longuement sur la stratégie mise en place par l’Etat du Sénégal pour combattre le Covid et la polémique née de la distribution des vivres et l’octroi des marchés. Morceaux choisis.

 

Le bilan s’alourdit avec 8 décès lié au Covid-19 et des centaines de cas déclarés positifs. Mais ce qui inquiète ce sont les cas communautaires. A votre avis, pensez-vous qu’on a adopté la bonne riposte?

Je profite de l’occasion pour présenter mes condoléances aux familles des disparus et prier pour que Dieu accueille tous ces morts à son paradis (…). Vous savez que c’est une maladie dont on ne connaît pas encore le remède, qui n’y a pas de vaccin, qui est très contagieuse et mortelle. Et, ça a des conséquences sociales économiques désastreuses. C’est normal que les peuples s’inquiètent. Le Sénégal, à l’instar des autres pays du monde, est très affecté, très impacté par cette pandémie. En ce qui concerne le taux de mortalité, si vous comparez notre situation à celle de l’Europe, des Usa ou même de la Chine nous pouvons nous sentir heureux. D’une manière générale en terme de mortalité et même en terme d’infections le continent africain avec le Sénégal est moins touché et surtout l’Afrique tropicale. Mais quand même 8 morts c’est déjà trop. Un seul mort au Sénégal c’est quand même beaucoup trop. Ce qui fait qu’on peut s’interroger. Vous savez en fait pour moi la stratégie du gouvernement ça devait consister : Premièrement, à limiter le nombre de contaminés. Manifestement ce n’est pas le cas parce que le nombre augmente et les localités où régions touchées sont de plus en plus nombreuses. A ce niveau je pense qu’il y a beaucoup de choses à faire. De mon point de vue, les défaillances, c’est depuis le début. On n’a pas été suffisamment préventif. Si on avait fermé les frontières du Sénégal à temps ou bien mettre en quarantaine tout sénégalais qui entre dans ce pays systématiquement. Ce qui est terrible c’est que le jour même où on a fermé l’aéroport des gens sont descendus à l’aéroport de Blaise Diagne et sont rentrés chez eux. C’est cette défaillance qui a fait que 85 personnes infectées sont entrées au Sénégal. Deuxièmement, on a trop tardé de prendre la décision de confiner les centres urbains. Avec l’Etat d’urgence et le couvre-feu on a confiné les communes. Mais ça a été de mon point de vue très tardif. Le pire c’est qu’on a laissé l’agglomération de Dakar. Autrement dit, vous pouvez quitter Dakar, aller à Guédiawaye, quitter Guédiawaye pour venir à Pikine etc. Alors qu’il fallait confiner département par département. D’autant plus qu’à Dakar il y’a chaque jour un million à deux millions qui se déplacent. Ceci est un moyen rapide de propagation de la maladie. Donc, il y’a des défaillances au niveau préventif parce qu’on a réagi tardivement. Il y’a des défaillances au niveau du confinement des centres urbains. Ce qui donne, au bout du compte, les résultats que nous avons. Vous savez en matière d’épidémie il y’a une règle générale : il faut éviter d’en faire trop tard et d’en faire pas assez. Malheureusement, le gouvernement du Sénégal agit parfois trop tard et agit parfois pas assez. Et ce n’est pas bien.

Ne pensez-vous pas aussi qu’il y’a une part de responsabilité des populations? Aujourd’hui on parle des commerçants qui sont très touchés parce qu’ils ne respectent pas, entre autres, les mesures barrières.

C’est vrai qu’il y’a une part de responsabilité des populations mais la responsabilité de la population est moindre à celle de l’Etat. Vous savez que le coronavirus n’est pas né au Sénégal. Il est apparu en Chine, en Asie pour ensuite venir Europe et ainsi de suite. Ce qu’on peut retenir c’est que les pays qui ont triomphé rapidement de la maladie c’est des pays qui ont recours au confinement, au dépistage et au traçage. Évidemment il est difficile au Sénégal de confiner les populations parce que les gens n’ont pas les moyens de vivre. Par contre on peut confiner individuellement c’est-à-dire exiger le port du masque. Quand vous portez un masque vous barrez la route au coronavirus. Si vous portez un masque et des lunettes c’est pratiquement sûr que vous ne contaminerez personne. Mieux, personne ne vous contaminera non plus. Depuis le début toutes les mesures que l’Etat devaient prendre pour aider les populations à se protéger aucune n’en a été prise par l’Etat. Aujourd’hui, il n’y a pas un sénégalais qui a reçu un savon de l’Etat, un gel de l’Etat et un masque de l’Etat. Or puisqu’il s’agit de lutter contre la propagation, de couper la chaîne de transmission, ce sont ces choses-là qu’il fallait donner aux populations et non du riz. Il y’a beaucoup de défaillances. Évidemment le moment n’est pas à la polémique mais quand même il faut qu’on mette l’accent sur les défaillances qui nous ont conduit à cette situation-là. Tout récemment le ministre de l’intérieur a rendu obligatoire le port du masque ce qui est encore curieux. Ce qui est pire c’est que les populations ont donné au président Sall 1000 milliards pour lutter contre la pandémie. Mais de ces 1000 milliards l’Etat devait utiliser une bonne partie pour donner des masques aux populations. Au Sénégal nous n’avons pas un problème de famine. Depuis 1960 on n’a pas un sénégalais qui est mort de faim alors qu’en quelques mois nous avons perdu 8 sénégalais à cause du coronavirus. On devait donner du riz et des masques et rendre leur port obligatoire partout et pas seulement dans certains lieux.

 

Est-ce que nous n’avons aussi souffert d’un problème de méconnaissance de l’ennemi?

 

Le problème au Sénégal c’est qu’on pense que tout ce que la France fait est bon. Alors qu’en matière de lutte contre la pandémie, les meilleurs modèles ce n’est pas la France. C’est Corée du sud, c’est Vietnam, c’est Taïwan etc. Et là, l’utilisation du masque est systématique. En plus ils font du dépistage. Et ils ont utilisé le téléphone portable pour tracer les gens. Mais cette technologie le Sénégal en dispose. Avec nos opérateurs de téléphonie on peut tracer les personnes qu’un infecté à rencontrer pendant 20 jours. Maintenant on les appelle pour les mettre en quarantaine. Je crois véritablement que les meilleurs modèles ne sont pas les modèles français. C’est le modèle asiatique et malheureusement le Sénégal n’a regardé que la France et c’est ce qui nous a conduit à cette situation aujourd’hui.

Vous êtes de Touba et c’est zone est très touchée. C’est quoi la particularité de cette cité religieuse par rapport aux cas communautaires?

 

Si vous traversez le marché Ocass vous ne pouvez pas vous étonner de ce qui est arrivé là-bas. Aujourd’hui à Touba et partout d’ailleurs les rues sont bondés, les marchés sont bondés, les véhicules sont bondés alors que ce que cherche le coronavirus c’est des personnes qui sont en contact permanent. A Touba, il n y a pas le respect de la distanciation sociale, il n y a pas de port de masque. Ce qui fait que le virus trouve un terreau pour se déplacer comme bon lui semble. Ce qui se passe à Touba on le rencontre aussi à Dakar. Vous avez parlé des commerçants mais je dis depuis 10 jours qu’il faut que le gouvernement oblige aux boutiquiers, aux commerçants, dans les marchés et autres de porter un masque, de mettre du gel devant la boutique ce qui fait que quand quelqu’un rentre d’abord il doit porter le masque. Je crois que c’est sur ces mesures là que le gouvernement devait mettre un focus. Malheureusement on nous a entraînés dans un débat futile en ce qui concerne la distribution du riz. Or de mon point de vue, le riz n’est pas une arme pour combattre le coronavirus. On ne peut pas retenir des gens chez eux avec 100 kg de riz pendant des mois. Il fallait s’attaquer d’abord à la propagation de la pandémie. Si on donne à tous les sénégalais le masque on peut sortir de l’Etat d’urgence et du couvre-feu. Le masque est un confinement individuel mobile. C’est ce qu’ont fait les asiatiques. Il n y a pas de confinement là-bas, il n y a pas d’état d’urgence. Les gens sont suffisamment protégés pour ne pas recevoir le virus ou pour le transmettre à quelqu’un d’autre.

Vous l’avez évoqué cette polémique née de la distribution des denrées et l’octroi des marchés. Vous pensez qu’il y a nébuleuse à ce niveau ?

 

Il y a une nébuleuse mais ce qui est plus grave ce n’est pas la nébuleuse. Le président Macky Sall avait promis au peuple sénégalais le 3 avril qu’il allait mettre un comité de pilotage. Avant de donner un marché il fallait d’abord mettre un comité de pilotage. C’est ça le problème et tout est partie de là. Le pire c’est qu’au lieu même de le donner à un comité de pilotage, il nous présente un comité de suivi alors que ce n’est pas ça la promesse qu’il avait faite au peuple sénégalais. A partir de ce moment on peut douter de sa sincérité. Le départ est faussé et on a tous les droits de douter de sa sincérité de la gouvernance de fond là. Aussi, on connaît au Sénégal les opérateurs de riz depuis 1996. Celui qui a gagné les 2 marchés qui font presque 18 milliards mais il n’est pas connu du secteur. D’ailleurs les 4 qui ont gagné ces marchés ils n’ont été utilisés que sociétés écrans, des prête-noms. Le pire c’est avec deux sociétés individuelles dont le capital de l’une c’est un million et l’autre c’est moins d’un million. L’autre société n’a même pas 6 mois d’existence et vous lui donnez un marché de 18 milliards. C’est scandaleux. Pour le transport aussi c’est un scandale terrible. Car un député ne peut pas gagner un marché public. Ça même si le règlement intérieur de l’assemblée nationale ne l’avait pas interdit ainsi que le code électoral du point de vue éthique un député ne peut pas conquérir un marché de l’Etat. C’est le député qui alloue les ressources à l’Etat, qui contrôle l’utilisation de ces ressources,… Donc, il ne peut pas être en même temps tout cela et concourir à un marché de l’Etat. Il y’a plusieurs faussetés.

Cheikh Moussa SARR

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