Macky Sall à l’ONU: ambition légitime ou mirage diplomatique ?

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Depuis la fin de son mandat en avril 2024, l’ancien président Macky Sall s’est fait assez discret. Mais son nom circule à nouveau dans le monde avec insistance : certains évoquent sa possible candidature au poste de Secrétaire général des Nations unies, attendu à pourvoir en 2026. Une perspective qui soulève enthousiasme du côté de ses admirateurs, scepticisme chez certains observateurs et une série de contestations de ses détracteurs.

Un profil international solide

Sous son régime, le Sénégal a renforcé ses liens diplomatiques, multiplié les médiations régionales (notamment au Mali et en Gambie), et accueilli des événements internationaux de premier plan. À la tête de l’Union africaine (2022/2023), Macky Sall a plaidé avec force pour une meilleure représentation de l’Afrique dans les instances mondiales, notamment le G20 et le Conseil de sécurité de l’ONU. Ce parcours lui confère une certaine légitimité pour briguer un poste qui exige à la fois une vision globale et une capacité à faire dialoguer des puissances souvent opposées.

Une opposition intérieure difficile à contourner

Au-delà des équilibres diplomatiques internationaux, Macky Sall devra aussi compter avec la réalité politique nationale. Et sur ce point, l’actuel régime issu du parti Pastef, dirigé par le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, risque fort de ne pas apporter son soutien à une telle candidature. L’histoire politique récente du Sénégal a été marquée par des tensions particulièrement vives entre Macky Sall et l’opposition incarnée par Sonko. Affaire Sweet beauté, Arrestations, interdictions de manifester, mise en cause de l’indépendance de la justice : le bras de fer a laissé des traces profondes. Dans ce contexte, il semble peu probable que le pouvoir actuel défende une candidature perçue, par une partie de la population, comme symbolique d’un passé politique qu’il a précisément combattu. Le manque de soutien officiel du Sénégal ou, pire, une position de blocage du pouvoir actuel, affaiblirait considérablement la légitimité d’une éventuelle démarche sur la scène internationale.

Un candidature à construire malgré les critiques internes

En Afrique de l’Ouest aussi, la candidature de Macky Sall ne fait pas l’unanimité. Certains rappellent la tension suscitée par sa volonté d’avoir voulu briguer un troisième mandat, qui a failli faire basculer le Sénégal dans la crise politique. Ce passé récent pourrait nuire à son image de diplomate consensuel. D’autres pointent du doigt un paradoxe : comment défendre les principes démocratiques au sein de l’ONU lorsque son propre exercice du pouvoir a été, sur la fin, largement critiqué ? Quoi qu’il en soit, ce n’est pas perdu d’avance pour l’ancien leader de l’Alliance Pour la République.

À l’heure actuelle, la candidature de Macky Sall à la tête de l’ONU n’est encore qu’une hypothèse. Mais elle dit beaucoup sur les ambitions diplomatiques de l’Afrique, et sur la place croissante des dirigeants du Sud global dans les grandes enceintes internationales. Si elle se confirme, elle devra être portée avec doigté, stratégie… et un solide travail de reconquête d’image.

Si Macky Sall incarne une figure expérimentée du continent africain sur la scène internationale, n’oublions pas qu’il n’est pas le seul à nourrir des ambitions pour le poste de Secrétaire général de l’ONU. Dans les coulisses diplomatiques, plusieurs noms circulent déjà, notamment ceux de figures issues de pays anglophones, plus traditionnellement représentés dans les hautes sphères onusiennes. Ce facteur linguistique et géopolitique pourrait peser sur la balance, dans un contexte où l’Afrique cherche à parler d’une seule voix, mais peine encore à dégager un consensus.

L’Union africaine, bien qu’attachée à l’idée de promouvoir un candidat du continent, devra arbitrer entre des profils aux parcours et aux alliances très différents. La candidature de Macky Sall pourrait être perçue comme francophone, voire occidentalo-compatible, ce qui pourrait en faire un solide pont entre les blocs… ou au contraire, un facteur manifeste de division. D’autant que ses positions passées, notamment sur la question du troisième mandat ou sur la gouvernance sécuritaire, continuent de susciter le débat dans certains cercles panafricains.

Enfin, il faut rappeler que l’élection du Secrétaire général repose en grande partie sur les équilibres du Conseil de sécurité, et notamment sur le veto des membres permanents. Or, les préférences de Washington, Pékin ou Moscou pourraient reléguer les débats africains à un rang secondaire. Macky Sall, malgré son réseau étendu, devra convaincre bien au-delà du continent, tout en s’assurant qu’il ne divise pas son propre camp.

La route vers New York est donc encore longue parsemée d’alliances, d’influences croisées, et de batailles feutrées.

Mamadou Biguine Gueye

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