Sénégalaiseries-Macky à Berlin, Diomaye à Libreville et Mabouba à Nouakchott (Par Ibou Fall)

Le Président Oligui et son homologue Bassirou Diomaye
Ça fait les gros titres de la presse et ne doit certainement pas faire plaisir aux nouvelles autorités sénégalaises : Macky Sall invité d’honneur du Global Solutions Summit à Berlin, pour parler de l’avenir de la planète et qui casse la baraque en posant comme l’avocat de l’Afrique — excusez du peu !
La seule ombre au tableau cette semaine : son fils, Amadou Sall, reçoit également une invitation comme guest star du… Parquet judiciaire financier qui souhaite le cuisiner sur des imbroglios à milliards de nos misérables CFA.
Y a des invitations qu’on ne se presse pas d’honorer, n’est-ce pas ?
Rien à voir avec le p’tit saut de puce du chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye, invité à l’investiture du nouveau président gabonais, Brice Clotaire Oligui Ngéma, tombeur du clan Bongo avec lequel il a des liens de famille, qu’il aura servi pendant longtemps.
L’hôte de Bassirou Diomaye Faye est un militaire sorti de l’académie marocaine de Meknès, putschiste reconverti en démocrate, qui vient de se faire élire par 90 % des votes. A la belle époque des régimes totalitaires, ça qualifie de « soviétique » ce genre de score.
Je serais président sénégalais, je me garderais de poser le moindre orteil à cette sorte de sacre. J’y enverrais pour faire joli quelque gros calibre avec une consigne ferme : rester muette comme une carpe, répondre par des sourires aux questions des journalistes et se recroqueviller dans un coin reculé de la tribune officielle où ni objectif, ni caméra ne peuvent immortaliser sa présence au moment de l’instant fatidique de la photo-souvenir.
D’abord, et surtout, pour ce que la démocratie sénégalaise représente sur le continent et même dans le monde. Ensuite, pour une raison pratique, bassement matérielle : qu’est-ce que le Gabon actuel peut-il bien apporter au Sénégal ?
Le pays de Brice Clotaire Nguéma n’est plus l’émirat pétrolier d’Omar Bongo. Lequel, de son vivant, pèse lourd sur l’échiquier françafricain, faisant et défaisant des carrières à Paris où alors tout se décide pour ce qui est des anciennes colonies françaises.
Albert Bernard Bongo, ancien employé des postes est un agent des renseignements français à ses heures perdues : c’est le marchepied dans sa drôle de trajectoire qui le conduit au cœur du pouvoir gabonais avant qu’il ne s’en empare avec la bénédiction de son mentor, Jacques Foccart.
Dans quelle case faut-il ranger ce païen reconverti au catholicisme juste avant de rencontrer le Pape dans les années soixante-dix, qui devient le musulman Omar pour se sentir plus en famille à l’OPEP ? Le vieux briscard poussera le bouchon jusqu’à faire de Libreville la capitale politique française où toute la politicaille se bouscule pour ramener des mallettes remplies de cash.
Vous l’aurez compris, Bongo père est, du haut de son mètre cinquante, un sacré personnage, et pas seulement à cause de sa trentaine d’épouses et concubines, qui lui donnent sa cinquantaine de lardons.
Il n’est donc pas très judicieux, en Afrique francophone, au temps de sa splendeur, de le vexer… Certes, la chasse aux biens mal acquis ternira son aura et il sera quasiment indésirable sur le sol français. C’est en Espagne qu’il finit ses jours, les hôpitaux parisiens lui étant inaccessibles.
Son fils, Ali, sera installé quasiment au forceps, au grand dam de sa sœur, Pascaline, qui serait, du vivant de leur paternel, l’éminence grise, l’âme damnée du potentat de Libreville. Ali Bongo remportera des élections si controversées que Libé, le quotidien français, en raillera les résultats depuis sa « Une » : « Ali Bongo et les quarante pour cent »…
A la mort d’Omar Bongo, l’influence gabonaise perd de sa superbe. Ali Bongo ne devient plus qu’un impotent qui s’accroche au fauteuil présidentiel avec ses derniers restes d’énergie, c’est-à-dire pas grand-chose. Lorsque les soldats de sa garde prétorienne le déposent en douceur, il est cuit, en dépit de ses appels à « faire du bruit ».
Le président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguéma est du même fief que les Bongo et sa mère serait une cousine plus ou moins proche du clan.
Ça aurait pu être plus sanglant, en effet.
De fil en aiguille, à force de manœuvres, le nouveau maître du pays se retrouve candidat à la présidentielle qu’il remporte les doigts dans le nez.
C’est ainsi que Bassirou Diomaye Faye se retrouve à une cérémonie d’investiture durant laquelle, selon les journaux sénégalais reconnus par Monsieur notre ministre de la Communication, il aurait volé la vedette aux invités en se faisant applaudir à tout rompre par les badauds. C’est sûr, la communauté sénégalaise du Gabon a dû s’en rengorger, surtout qu’il l’a rencontrée.
Oui, mais après : quels avantages le Sénégal peut-il bien tirer de ce voyage ?
Ce n’est pas comme celui du ministre de l’Élevage à Nouakchott, qui, comme ses prédécesseurs depuis plusieurs décennies, à l’approche de la Tabaski, prend sur sa petite personne la responsabilité de faire en sorte qu’il y ait des moutons sur tout le territoire.
Je ne sais pas si je suis seul dans mon cas mais ça me fait bizarre de savoir qu’un ministre de la République s’occupe de ces questions avec autant de dévouement. Mabouba Diagne que le Premier ministre mauritanien reçoit, entouré de ses collaborateurs, dont l’homologue chargé de l’Élevage, est-il vraiment obligé de s’en charger ?
Les chevillards, les éleveurs, les investisseurs privés qui cherchent à « réussir un coup » durant les sempiternelles « Opérations Tabaski » n’y suffisent-ils pas ? Y a un truc qui m’échappe…
Mais, surtout, de grâce : la scène du président qui va marchander ses deux moutons de Tabaski, en semaine, aux heures de bureau, on pourrait s’en passer, cette année ?