Jaraaf / Builderzs Ou comment, face à une défaillance collective, sauvegarder la crédibilité de notre football

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Depuis plusieurs jours, notre football national est secoué par une affaire de fraude présumée sur l’âge, révélée lors des demi-finales de la Coupe du Sénégal. Elle oppose deux clubs aux trajectoires contrastées : le Jaraaf de la Médina, leader actuel du championnat professionnel, et les Builderzs de la Patte d’Oie, pensionnaires de la Nationale 1.
Selon les informations disponibles, un joueur de Builderzs disposerait de deux licences avec des dates de naissance différentes. À la suite de l’évocation introduite par le Jaraaf, la Commission de discipline de la Fédération Sénégalaise de Football (FSF) a donné match perdu à Builderzs, pourtant vainqueur sur le terrain.
Cette décision a suscité une vive polémique, plongeant l’opinion sportive dans un débat passionnel, parfois malsain. En tant qu’acteur du sport sénégalais depuis plusieurs décennies, je me sens interpellé. Non pour désigner des coupables ou prendre parti, mais pour appeler à la lucidité, à la retenue et au sens de l’éthique collective.
Le recours introduit par Builderzs est en cours, et doit être traité dans le cadre prévu, avec toute la rigueur juridique et la neutralité que la justice sportive impose. Faute de quoi, ce différend pourrait être détourné vers un champ polémique dominé par la désinformation, les accusations gratuites et les clivages artificiels entre « petits » et « grands » clubs.
Le nœud du problème est clair : un manquement grave a eu lieu, matérialisé par la coexistence de deux identités fédérales pour un même joueur. Ce fait, s’il est avéré, entache la régularité de la compétition. Mais il ne constitue ni un cas isolé, ni un fait inédit dans notre histoire sportive. C’est le symptôme d’un dysfonctionnement systémique, fruit d’une responsabilité partagée entre les différentes parties prenantes.
La digitalisation des licences est une avancée nécessaire, mais encore incomplète.
La FSF a engagé, avec courage, une transition vers la digitalisation des licences, conformément aux orientations de la FIFA et de la CAF. Cette évolution structurelle était attendue et reste salutaire.
Cependant, comme toute réforme technologique, elle présente encore des faiblesses notables:

  • Migration incomplète des anciennes données papier ;
  • Absence de système automatisé de détection des doublons ;
  • Lacunes dans le système de digitalisation federale ;
  • Non-intégration de la biométrie comme exigence standard ;
  • Inégalités dans l’accès et la maîtrise des outils numériques au sein des clubs.

Ces limites techniques, parfois combinées à des pratiques frauduleuses conscientes, expliquent la persistance de situations litigieuses.

Face à ce constat, la FSF ne doit pas fuir la réalité mais l’assumer pleinement pour mieux la corriger. Cela nécessite une action résolue et coordonnée autour de sept ( 7) chantiers majeurs :

  1. Auditer et assainir la base de données fédérale des licences ;
  2. Instaurer un identifiant unique et biométrique pour chaque joueur ;
  3. Automatiser le contrôle de cohérence des données (âge, identité, historique) ;
  4. Former les clubs, notamment les structures de base, à la gestion numérique des licences ;
  5. Garantir une équité procédurale dans les traitements disciplinaires ;
  6. Renforcer le climat de confiance entre instances et clubs, à travers la pédagogie, l’écoute et le respect mutuel.
  7. Se doter d’une cellule informatique avec des spécialistes de haut niveau.
    Le sport est une école de rigueur, de loyauté et de dépassement de soi.
    Lorsque la tricherie s’installe, c’est tout le principe de méritocratie et d’égalité des chances qui s’effondre. Lorsque la passion déborde les limites du respect et de l’excellence, nous perdons ainsi l’essence même de notre engagement que sont: la fraternité et le fair-play.
    Cette affaire est grave, certes, mais elle peut devenir une opportunité de progrès collectif. Plutôt que de sombrer dans une crise de confiance généralisée, faisons-en un tournant structurant pour renforcer la gouvernance du football sénégalais.
    La digitalisation est un chemin irréversible. À la FSF de la fiabiliser, de l’adapter à nos réalités, et de l’intégrer pleinement comme outil de transparence, de justice et d’efficacité.
    Je vais conclure par rappeler que le football sénégalais a une histoire riche de dirigeants de valeurs, des talents multiples, et un avenir prometteur.
    Ne laissons pas les divisions conjoncturelles ou un clubisme exacerbé ternir ce que des générations ont bâti.
    Ensemble, avec lucidité et ambition, gérons au mieux l’héritage et bâtissons un football propre, juste et compétitif, moteur de développement pour notre jeunesse et notre pays.

Par Souleymane Boun Daouda DIOP
Directeur Général – Cabinet Conseil SERISE-SARL,
(Texte élaboré avec l’appui d’un ingénieur en informatique)

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