Diplomatie religieuse et médiation: «protégeons et cultivons notre modèle de tolérance et de paix»

En marge de la 6ème édition de la Foire Internationale des Produits Africains (FIPA 2025) s’est tenu ce samedi à la Place du Souvenir Africain, un forum sous le thème: « Diplomatie religieuse et médiation : les diplomates comme passeurs de paix ». Une opportunité pour le khalife général de Bambilor, de rendre un « hommage appuyé à une femme de vision et de courage », la présidente de la plate-forme Baye Sa War, « initiatrice et cheville ouvrière de cette belle aventure qu’est la FIPA ».
« À travers cette initiative, elle a su créer un espace unique, où se croisent les mondes du commerce, de la culture, de la diplomatie, et de la spiritualité. Elle a su démontrer que l’Afrique peut être une terre d’unité, de créativité et de conscience. Qu’Allah la soutienne dans sa mission. Par l’occasion, je veux m’arrêter un instant pour rendre hommage à la FIPA elle-même. Car la FIPA n’est pas qu’une foire. Elle est une idée. Une vision. Une audace. Elle est le témoignage vivant que l’Afrique peut se retrouver, commercer, penser, débattre et prier dans un même espace. Ce lieu unique, où les économistes croisent les artistes, les diplomates croisent les chefs religieux, les entrepreneurs croisent les porteurs de mémoire, est un modèle de ce que devrait être notre continent : pluriel, uni, enraciné et tourné vers l’avenir. Elle nous montre que l’intégration africaine ne se décrète pas dans les sommets, mais se construit dans les foires, les marchés, les dialogues, les alliances humaines », a lancé Thierno Amadou Tidiane Ba avant de confondre en remerciement le représentant du Nonce Apostolique de la Congrégation des Spiritains du Sénégal et la commune de Bambilor, en l’occurrence son maire Ndiagne Diop, pour « son grand soutien à la FIPA ».
« Ce soutien n’est pas seulement logistique ou institutionnel. Il témoigne d’un engagement profond pour le rayonnement économique, social et spirituel de notre territoire. Et je prie pour que cet engagement inspire d’autres collectivités », a ajouté le guide religieux selon qui, ce forum, est un espace de diplomatie douce et de paix mondiale, un lieu d’échanges, mais un lieu d’espérance et de construction géopolitique africaine.
« C’est dans ce cadre que le thème de notre forum s’inscrit avec force : « Diplomatie religieuse et médiation : les diplomates comme passeurs de paix ». Ce thème n’est pas une juxtaposition de mondes, mais un appel à les unir. Car dans notre région, les tensions ne sont pas toujours politiques. Elles sont sociales, historiques, symboliques. Et seuls ceux qui connaissent les langages du cœur peuvent y répondre avec justesse. Ce que nous faisons ici n’est donc ni banal ni secondaire. Ce forum est un acte de foi en l’humanité. Une volonté affirmée de faire entendre une parole différente dans un monde saturé de conflits : la parole du dialogue, de la médiation, et de la dignité des relations humaines », a expliqué Thierno face aux invités composés de diplomates, d’étudiants, d’autorités coutumières et religieuses, d’exposants entre autres, avant de mettre à nu ses vérités que lui a révélées ce thème, pour nourrir le dialogue interreligieux.
« Premier enseignement : je suis convaincu que la diplomatie moderne ne peut plus ignorer les réalités spirituelles des sociétés qu’elle côtoie. Aujourd’hui, il ne suffit plus de négocier dans les bureaux officiels. Il faut descendre dans les cœurs, comprendre les dynamiques spirituelles, les blessures historiques, et les espérances silencieuses. J’ai vu des diplomates qui ne se contentent pas du protocole, mais qui prennent le temps d’écouter et de s’engager avec authenticité. C’est, à mon sens, la voie d’une diplomatie réellement efficace : celle qui écoute d’abord les peuples avant de parler aux États.
Deuxième enseignement : je sais, parce que je l’ai observé de près, que la collaboration entre diplomates et religieux est un levier puissant de médiation. Quand un diplomate tend la main à un guide spirituel, quand il soutient des initiatives de paix, quand il participe aux cérémonies de pardon et aux rencontres interconfessionnelles, il ne fait pas un simple geste symbolique. Il tisse une trame essentielle, invisible mais solide. Ensemble, nous portons des légitimités complémentaires : eux, celle des nations ; nous, celle des consciences. Ce dialogue construit une médiation enracinée et durable.
Troisième enseignement : je crois qu’il est grand temps que les bonnes actions des diplomates soient mieux connues des populations. Trop souvent, la diplomatie est réduite à la défense d’intérêts étrangers, vue comme distante et froide. Pourtant, ici au Sénégal, j’ai vu des ambassadeurs engagés dans des projets concrets, écoles, centres de formation, initiatives communautaires. Leur travail reste souvent dans l’ombre. Or, rendre visible cet engagement n’est pas faire de la publicité, c’est créer de la confiance. C’est changer le regard que les peuples portent sur ceux qu’ils croyaient étrangers ou distants.
Quatrième enseignement : je suis convaincu que la médiation est un espace d’alliance entre la foi et la diplomatie. Médiation ne veut pas dire imposer une vérité, mais préserver ce qui est essentiel. C’est ce que nous, religieux, savons depuis toujours. Et je constate avec joie que certains diplomates partagent cette approche d’écoute, de patience et d’humilité. C’est pourquoi je vous appelle à unir nos forces pour ne plus laisser les conflits s’aggraver faute de relais humains capables d’apaiser, d’expliquer, et de reconnecter.
Cinquième enseignement : je suis persuadé que la paix, le développement, la justice ne sont pas des intérêts particuliers, mais des biens communs. Ceux qui œuvrent pour ces causes, qu’ils soient diplomates, religieux, enseignants ou artisans de terrain, travaillent pour l’humanité toute entière. Au Sénégal, la coopération entre chancelleries et foyers religieux n’est pas une théorie abstraite : elle est une réalité concrète, à renforcer et à célébrer. Car ce que nous construisons ensemble, ce n’est pas seulement un dialogue, c’est une véritable architecture de paix.
Pour conclure, le khalife a adressé un message à tous les acteurs présents à ce forum.
« Aux diplomates, je dis merci. Merci de ne pas attendre que les crises éclatent pour venir écouter et dialoguer. Vous avez compris que le Sénégal est un territoire spirituel unique, où la coexistence est vécue et non seulement prônée. Continuez à être ces passeurs de paix. Aux guides religieux, je dis : engageons-nous sans crainte dans ces dialogues indispensables. Le monde a besoin de notre sagesse, les peuples ont besoin de nos voix. Aux intellectuels, aux jeunes, à la société civile : soyez les artisans d’une diplomatie nouvelle, à la fois enracinée et universelle. Et enfin, à vous, peuple sénégalais, je dis : protégeons et cultivons notre modèle de tolérance et de paix. Il est précieux, fragile, et admiré ».
Aly Saleh