Dionewar/3eme édition des 72h de Ngodane, fondatrice du village: Les insulaires se remémorent de leur descendance

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Dionewar : Le temps d’un « VSD », les 18,19 et 20 avril 2025 derniers, les populations insulaires de l’île de Dionewar ont passé d’importants moments de ressourcement et de brassage culturel mais également de prières à l’île de Sangomar.
L’association des « Simalas No Ngodane », selon son Président, Boubacar Sarr, « a mis les petits plats dans les grands dans un élan de retrouvaille de toute la famille éparpillée partout à travers le Sénégal et au-delà pour célébrer cette édition ». Ceci, ajoute-t-il, « en respect à notre principal objectif de regrouper tous les fils et filles et petits-fils de Ngodane, de nous connaître entre nous, mais également pour élaborer des projets ensemble et participer activement à la vie socio-économique du village ».


Ainsi, cette troisièmme édition a été une belle occasion pour ces insulaires de communier ensemble autour du même idéal. Celui de revisiter toute une histoire liée à cette dame du nom de Ngodane. Elle était connue pour sa bravoure, sa générosité et son génie d’avoir eu l’idée ingénieuse de fonder une communauté solidaire, travailleuse et hospitalière.

Des innovations apportées dans l’organisation

« Nous avons alors pensé pour cette édition 2025 qu’il fallait apporter des innovations dans l’organisation et qui soient aussi de taille », nous a révélé le Président Boubacar Sarr. Il est revenu sur la soirée culturelle qui, souligne-t-il, « nous a permis un retour aux sources, à travers le vécu culturel de l’île qui rime avec son fanal lié à l’histoire culturelle même de Dionewar. Et, à ce titre, nous avions sollicité l’expertise d’un de nos frères Babou Sarr pour la matérialisation du fanal qui, pendant longtemps n’a pas été exhibé ».
Une innovation de taille qui a ainsi donné l’occasion aux populations de savourer les rythmes de la culture sérère et mieux comprendre l’importance du fanal lors de la soirée culturelle au premier et au deuxième jour de l’événement. Une soirée marquée par une forte mobilisation des populations jusqu’à une heure avancée de la nuit assaisonnée par le rythme du Nguel Serere accompagné des guitaristes qui ont imprimé un élan d’enthousiasme aux nombreux spectateurs qui ne voulaient pas rater ce rendez-vous tant attendu qui a constitué l’un des temps forts des 72 heures de Ngodane à Dionewar. Dont il s’agissait de joindre l’utile à l’agréable.
Un autre temps fort de ces journées, la séance de consultations médicales gratuites à l’initiative du Dr Lamine Coura Faye, pharmacien de son état qui a su mobiliser près d’une vingtaine de médecins et spécialistes en gastroentérite, en cardiologie, des dentistes et orthopédistes, des ophtalmologues, entre autres agents de santé.
A l’arrivée, près de 500 patients ont été diagnostiqués et à qui ont été prescrits des médicaments pendant que d’autres présentant des pathologies assez compliquées, ont été orientés vers des structures de santé en terre ferme. Des conseils et des enseignements ont aussi été prodigués relativement à l’hygiène bucco dentaire.
Tout ceci, selon Boubacar Sarr, « a été bien apprécié par les populations. Un autre aspect sanitaire qui a alimenté la chronique cette année à Dionewar, c’est le phénomène de Djinne Maïmouna vécu dans tout le Sénégal. Mais, un phénomène qui a été observé au niveau du lycée ce qui nous a poussé à contacter un spécialiste, qui a d’abord tenu une conférence pour sensibiliser les gens, leur montrer et expliquer le comportement à avoir vis-à-vis de ces esprits invisibles pour pouvoir se protéger devant une telle situation. Il s’en est suivi le lendemain d’une séance de consultation, sachant que beaucoup de jeunes élèves particulièrement les filles, sont victimes des effets de ce phénomène de Djinné Maimouna ».

Pèlerinage à Sangomar, l’île du sortilège et de la divinité

Le pèlerinage à l’île de Sangomar a été également une étape cruciale du programme de cette 3e édition des 72h de Ngodane. Une île du sortilège et de la divinité, toujours en l’état malgré son émiettement suite à la coupure de la brèche mais, qui reste toujours vouée au culte de la divinité avec ses esprits invisibles (Pangols en sereres). Elle est située sur la pointe de l’Océan atlantique, à l’embouchure avec le fleuve Saloum. Ce qui rend l‘accès très difficile surtout en période de haute marée naturellement caractérisée par l’intensité des vents et la furie des eaux. Une situation qui perturbe régulièrement la navigation d’un sens comme de l’autre.
Mais, cela n’entache en rien l’ardeur des insulaires de la contrée d’y effectuer le pèlerinage tout comme d’autres visiteurs d’ailleurs pour aller se recueillir à cet endroit mythique, quasi solitaire avec sa dense forêt.
Un pèlerinage aux allures ressourcement auprès du génie tutélaire et protecteur de sa lignée maternelle. Cela, après
avoir été briefées par les gardiens du temple car, contrairement aux autres périmètres insulaires où l’on peut entrer et sortir en toute liberté, il n’est pas donné à n’importe qui de se rendre à l’île de « Sangomar » sans au préalable respecter les principes édictés par l’Alkali, le gardien terrien.
« A l’île de Sangomar, l’accès est interdit à tout visiteur portant un habit de couleur rouge, aux preneurs d’images mais aussi aux coupeurs de bois entre autres », nous fait-on savoir.

Un lieu de prière et de recueillement

Dans certaines circonstances, tout visiteur doit être accompagné par l’Akali. Car, l’île de Sangomar est un lieu de prière et de recueillement et où il est interdit de poser des questions relatives au site et de ses occupants invisibles. Pour autant des prières y sont accomplies à la mosquée (une petite) qui y est édifiée mais également à l’intérieur de la petite chambre qui se trouve aussi sur l’ile réputée être dans un calme plat.
Pour rappel, lîle de Sangomar était à l’époque, un lieu de retraite du défunt président poète Léopold Sédar Senghor qui aimait s’y rendre très souvent. L’ile constitue également, à travers la richesse de ses périmètres en herbe sauvage, un endroit rêvé d’une zone de pâturage pour les troupeaux des habitants de Dionewar qui y transportent leurs animaux chaque année en période d’hivernage pour les faire paître tranquillement loin des regards indiscrets des voleurs de bétail. Cela, compte tenu de sa végétation d’une diversité d’espèces arboricoles mais aussi d’une faune sauvage et la flore, dont le seul occupant est le génie protecteur et sa famille qui sont invisibles. Ici, on y trouve un environnement   parsemé de palmerais, de baobabs et d’autres espèces végétales qui cohabitent parfaitement avec des oiseaux de toutes espèces, des crabes et autres genres de reptiles difficiles à surprendre dans leurs cachettes.
Pour dire qu’à part les sages du village choisis comme Alkalis (les gardiens terriens), personne d’autre ne peut percevoir ce génie de Sangomar qui avait par la suite, face à la rareté de l’eau, avait guidé Ngodane à traverser le lit de l’affluent pour rejoindre l’autre île d’en face. C’était pour lui permettre de se procurer de l’eau. Et c’est cette île qui se distinguait par un grand caïcédrat (Ngane en Sérère) qui y avait poussé, qui deviendra plus tard, le village de Dionewar.

Dionewar, une île où il fait bon vivre

A la faveur de l’acte 3 de la décentralisation, l’ex-communauté rurale de Dionewar a été érigée en commune de plein exercice. Elle fait partie de l’arrondissement de Niodior, dans le département de Foundiougne  (région de Fatick).
« Ici, les habitants y mènent une vie paisible, le 9village est doté de potentialités marines  incroyables. Des palétuviers, les poissons frais et autres fruits de mer, qui font que la  localité connait un engouement fulgurant. Dionewar est de ces villages sénégalais d’ailleurs qui accueillent le plus de touristes en période de haute saison touristique grâce à son beau paysage. A peu près peuplé de 5000 habitants, le village a une vocation agricole et de pêcherie. On y circule en calèche, à dos d’âne ou à pied. Le visiteur prend l’envie d’y revenir après un séjour grâce à l’hospitalité légendaire de ses habitants mais surtout son beau paysage et la richesse de sa culture sérère. Une ile où il fait bon vivre au cœur des îles du Saloum, dotée de réceptifs touristiques qui participent à rendre l’endroit paradisiaque compte tenu de sa position située entre la mer et la lagune.

L’impact négatif de l’érosion côtière

Toutefois, les difficultés sont énormes à Dionewar. L’île est très impactée par l’érosion marine depuis l’ouverture de la brèche entre le village de pêche de Djiffer et l’île de Sangomar un certain 6 février 1987. « Depuis cette date, nous avons perdu beaucoup de surface. Des centaines et des centaines d’hectares, les arbres n’en parlons pas s’y ajoutent les voies d’accès qui sont complètement bouchées faisant que pour voyager, que ce soit les personnes et les biens, nous sommes obligés d’embarquer ou de débarquer sur 2,5 km », nous laisse entendre avec désolation, Ibrahima Bira Sarr, qui fut Président de l’ex Conseil rural de Dionewar devenu commune.
Les voyageurs sont donc obligés de marcher plus de 2km pour pouvoir embarquer dans une pirogue, le débarquement aussi. Ce qui, selon Ibrahima Bira Diop, « veut dire que le coût du transport va forcément augmenter impactant du coup les évacuations sanitaires. Mais également, les matériaux et autres marchandises que l’on utilise aussi bien pour les constructions que pour la cuisine, nous reviennent beaucoup plus cher. A titre d’exemple, aujourd’hui, quand on n’a pas sa propre pirogue et qu’on a pas aussi des jeunes chez soi pour pouvoir trouver du sable, on est obligé d’acheter et pour disposer d’une tonne de briques on est obligé de payer approximativement plus de 200 000 francs. Donc, vous voyez ce que cela fait ait en termes de coûts ».
Pour dire que le transport coûte excessivement cher aux insulaires de l’île de Dionewar et ses environs. « Ici, tout le monde sait qu’évacuer un malade avec une charrette, ce n’est pas confortable. Il faut prendre une pirogue, traverser pour joindre le village de pêche de Djiffer pour qu’à partir de là, qu’on puisse prendre une ambulance pour aller vers les structures de santé les plus adaptées », a indiqué Boubacar Sarr, le président de l’association des « Simalas No Ngodane ».
Il ajoute que, « les commerçants ne pouvant pas vendre à perte, sont obligés de juguler avec les coûts du transport pour pouvoir vraiment s’en sortir. C’est pour dire qu’aujourd’hui, nous ne pouvons pas ressentir les efforts que l’Etat a fait dans la baisse des produits de première nécessité. Ce qui montre combien, en tenant compte ne serait-ce de ces exemples, la commune de Dionewar a cette particularité de souffrir de son enclavement avec pour conséquence un seuil de pauvreté assez élevé ».
Face à toutes ces préoccupations soulevées par le président Boubacar Sarr, l’association des « Simalas No Ngodane », qui travaille à la réunification de sa famille très large et éparpillée un peu partout, nourrit l’ambition légitime de contribuer au développement socio-économique du village de Dionewar, à travers le regroupement de tous ses fils et filles et les petits-fils de Ngodane afin de relever les défis et participer à la résolution des principales difficultés qui gangrènent notre commune et ses trois îles que sont: Dionewar, Niodior et Falia.

L’urgence s’impose aujourd’hui de réécrire l’histoire de Ngodane pour pouvoir faire face au phénomène de l’érosion côtière. Un phénomène qui menace en permanence la plupart des îles du Saloum mais particulièrement, celles de Dionewar, Niodior et Betenti, situées en face alentours de la pointe de Sangomar. Mais aussi et surtout de réfléchir sur les perspectives liées à la découverte de puits pétroliers non loin des côtes sénégalaises, au large de Sangomar.
L’association des « Simalas No Ngodane » travaille déjà dans cette perspective pour mieux cerner cette histoire de leur ancêtre du nom de Ngodane qui serait originaire du Gabou mais arrivée au Sénégal par la Guinée Bissau qui vivait à l’époque de nombreuses guerres tribales. Ngodane s’est ensuite déportée vers le Nord, à la conquête d’une terre paisible où elle pouvait vivre avec ses enfants dans la  tranquillité c’était en 1136 au 12e siècle où en 1234 au 13e siècle comme l’ont fait comprendre d’autres sources.
« Mais, il faut dire que Ngodane, telle que son histoire nous a été révélée, n’a pas choisi cette terre où elle a enfanté la lignée des Simala Ngodane dans le hasard. En ce sens que selon la tradition orale, ces deux lieux actuels : de Dionewar et de l’île de Sangomar lui ont été décrits en rêve par le génie protecteur de l’île de Sangomar même tout en lui recommandant d’occuper un site qui est entouré par l’eau. Un périple qui la mena ensuite à l’emplacement actuel de l’île de Dionewar », nous a révélé Ibrahima Bira DIOP, anciennement président de l’ancien Conseil rural de Dionewar.

Reportage de Mohamadou SAGNE

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