Crans Montana Forum de Casablanca: L’intégralité du discours du Président Macky Sall

In extenso, l’intégralité du discours du Président Macky Sall au Crans Montana Forum sur la Coopération internationale en matière de sécurité maritime
«Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Avant tout propos, je tiens à adresser mes salutations fraternelles à Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, et lui renouveler mes meilleurs vœux de bonne santé, de longévité et de réussite dans l’exercice de ses éminentes charges au service du peuple marocain ami et frère.
Le Sénégal et le Maroc sont liés par une amitié multiséculaire solide, fondée sur des valeurs communes, une convergence de vues sur toutes les questions d’intérêt stratégique et une coopération intense dans plusieurs domaines d’activités, y compris les affaires maritimes.
J’ai d’ailleurs eu l’occasion de visiter le port de Tanger Med en novembre 2019. J’en garde l’excellent souvenir d’un hub logistique de première classe, symbole et vitrine d’une Afrique ambitieuse et déterminée à prendre sa place sur les grandes routes maritimes mondiales.
Dans le même esprit, je me réjouis de prendre part, pour la première fois, à cette rencontre du Crans Montana Forum. C’est une dette dont je m’acquitte auprès de l’Ambassadeur Jean-Paul Carteron, qui, depuis plus de deux décennies, m’invite régulièrement à toutes les éditions du Forum.
Monsieur l’Ambassadeur, merci pour votre aimable invitation et pour votre persévérance.
Dans un monde de guerres et de tensions multiples, la problématique de la sécurité et de la sûreté maritimes fait assurément partie de l’enjeu sécuritaire global.
Les routes maritimes continuent d’être exposées à de graves menaces : conflits armés, piraterie, trafics illicites de tous genres, rivalités géostratégiques et j’en passe.
Les conséquences de ces menaces sont dommageables à plusieurs égards : les navires sont obligés d’abandonner leurs routes habituelles et faire de grands détours pour éviter des zones d’insécurité ; ce qui entraine d’importants coûts additionnels. Ce sont les prix qui augmentent pour le consommateur, c’est l’environnement qui en subit les dommages collatéraux avec le surcroit d’émission de carbone généré par le rallongement des distances, et c’est le commerce qui en souffre profondément.
Or, le transport maritime représente plus de 80% des échanges mondiaux, faisant des ports des leviers uniques du commerce et du développement, mais aussi des lignes de défense de notre sécurité économique et humaine.
C’est dire que si la mer représente une porte ouverte sur le monde qui donne accès à d’immenses opportunités, il faut en même temps veiller à ce que cette ouverture ne se transforme en faille sécuritaire.
Dès lors, sécuriser nos façades maritimes, c’est à la fois protéger nos populations, nos ressources, nos écosystèmes et nos infrastructures critiques ; c’est aussi préserver la liberté de navigation et combattre ensemble les menaces transfrontalières.
Ces enjeux majeurs nécessitent une collaboration renforcée entre pays par l’échange d’informations, la mutualisation des capacités navales et la coordination entre forces de défense et de sécurité et services portuaires.
Voilà pourquoi il faut continuer à investir non seulement dans les infrastructures maritimes, mais aussi dans la sécurité et la sûreté, la formation des personnels, la résilience numérique et la protection des acteurs portuaires, qui sont des sentinelles essentielles au commerce international.
N’oublions surtout pas que les ports sont aussi des lieux d’humanité et de chemins croisés. Chaque jour, des millions d’hommes et de femmes, marins, dockers, commerçants, logisticiens, transporteurs, venant d’horizons divers, s’y rencontrent, échangent et travaillent ensemble.
En effet, dans le tumulte des chargements et des déchargements, dans les démarches et les formalités à accomplir, dans l’activité des chantiers navals si indispensable à la navigation maritime, il y a une part irréductible d’humanité qui donne vie, rythme et âme aux ports.
Je voudrais également rappeler que le sujet qui nous réunit ici fait l’objet d’une prise en charge au plan continental, avec la Charte africaine sur la sûreté et la sécurité maritimes, adoptée par le Sommet extraordinaire de l’Union africaine d’octobre 2016 à Lomé.
Cet instrument juridique régional consacre l’engagement des pays africains à faire de leurs zones maritimes des espaces de paix, de sécurité et de développement durable.
Elle vise particulièrement à promouvoir la lutte contre la piraterie, la pêche illégale, les trafics illicites et la pollution, par une coopération renforcée en matière de partage d’informations, de respect du droit international et d’intégration des enjeux maritimes dans les politiques de sécurité et de développement. Je pense qu’un pays comme le Maroc, connu pour son leadership dans ces domaines, pourrait certainement aider à mieux vulgariser cette Charte en rapport avec la Commission de l’Union africaine.
En outre, je souhaite attirer l’attention du Forum sur l’importance de prendre pleinement en compte la situation des pays sans littoral, conformément aux dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, appelée à juste titre « la Constitution des mers » en raison de sa vocation universelle à faire des espaces maritimes des lieux de coopération dans un esprit de bon voisinage, qui consacre le droit légitime de ces pays à un accès libre et sécurisé à la mer.
La Convention de Montégo Bay nous rappelle, en effet, que la mer, n’est pas seulement une affaire de pays côtiers. Elle est aussi celle des pays enclavés, dont l’accès aux corridors maritimes est une nécessité vitale d’inclusion, d’échanges commerciaux et de développement économique.
Mesdames, messieurs, chers amis,
En matière de commerce pour le développement, c’est certainement par la mer que l’Afrique comptera de façon plus importante dans les échanges mondiaux.
Et c’est par des ports modernes, qui répondent pleinement aux impératifs de sécurité et sûreté que nous réussirons à faire de nos pays des maillons indispensables de la chaine logistique maritime mondiale.
Je suis persuadé que par vos expertises combinées, vous apporterez une contribution significative à cette ambition légitime. Je vous y encourage vivement et vous remercie de votre aimable attention. »